Pierre et Florence nous racontent leur parcours avant l’ouverture de leur boulangerie en juillet dernier à Muswell Hill.
Parlez-nous de vous et de ce que vous faisiez avant d’ouvrir votre boulangerie ?
Nous sommes Pierre et Florence, mariés et parents de deux petites filles de 8 ans. Nous sommes originaires de Normandie pour moi et du Sud-Ouest pour Florence, mais nous étions à Nantes avant d’ouvrir une boutique à Londres. Nous avons déjà eu pas mal de vies différentes l’un et l’autre.
Nous nous sommes rencontrés quand Florence jouait encore au tennis, l’année où elle a été médaillée aux Jeux Paralympiques de Pékin (2008). Elle vivait à Montréal et moi à Paris. Quand elle a arrêté sa carrière, elle est revenue à Paris où elle a bossé comme manager de projets stratégiques pour le groupe Adecco puis Audencia. Aujourd’hui, en plus d’être « boulangère », elle est auteure et conférencière et Vice-Présidente de la Fédération Française de Tennis.
De mon côté, j’étais Conseiller en Développement à la Ligue de tennis des Hauts-de-Seine (Fédération Française de Tennis) puis Business Developper dans des sociétés de conseil IT (Ausy puis GFI). Nous avons quitté la région parisienne après la naissance de nos filles mais au bout de quelques années à Nantes, Florence a recommencé à avoir la bougeotte et moi, j’avais envie d’un nouveau projet professionnel pour ouvrir une boutique à Londres. C’est comme ça qu’est née la boulangerie, en papotant devant la TV.
Quelle est l’originalité de votre projet ?
Ce n’est pas seulement une boulangerie, c’est une sorte d’idéal que l’on porte : l’idée qu’à tout moment, on peut décider de suivre ses rêves, de se lancer à l’aventure, qu’il faut oser même si c’est dur ou que ça fait peur. C’est ce que l’on voulait transmettre à nos filles.
Je suis boulanger au levain naturel, c’est-à-dire que je ne mets pas de levure du tout dans mon pain, comme le faisaient nos ancêtres, et mes farines sont biologiques. Tout est produit sur place, en petites quantités adaptées à la demande de mes clients pour limiter le gaspillage et la surconsommation. Nous vendons un produit de grande qualité pour proposer à notre communauté de mieux se nourrir tout en ayant un impact plus raisonnable sur l’environnement.
Nous sommes les seuls dans notre quartier à produire un pain d’aussi belle qualité sur place là où nos concurrents produisent en grosse quantité dans des laboratoires dédiés. Chez nous, les clients peuvent voir leur pain se fabriquer de A à Z parce qu’on n’a rien à leur cacher et parce qu’on aime entendre ce qu’ils ont à nous dire.
Comment se lance-t-on dans l’ouverture d’une boulangerie à Londres en 2022 ? Comment avez-vous préparé ce projet ?
Le début du projet c’est fin 2018 et le premier client officiel de la boulangerie, c’est le 22 juillet 2022. Autant dire qu’on a pris notre temps pour ouvrir notre boutique à Londres. D’abord de bien réfléchir à ce dans quoi on se lançait : pourquoi, comment, avec qui, quels risques on prenait, jusqu’où on était prêts à aller, quelles étaient nos forces et nos faiblesses. On s’est pris un bon moment d’introspection.
Puis quand on a été certains, Pierre a réfléchi à la meilleure formation possible et il a choisi l’Ecole Internationale de Boulangerie à Noyers-sur-Jabron dans le Sud-Est car c’est la seule formation sur le levain bio aujourd’hui en France. Il est parti 15 semaines de janvier à mai 2020 mais avec le confinement, ça s’est prolongé un peu.
En parallèle, on planchait sur la ville d’accueil de la boulangerie : Londres, Montréal, Los Angeles ? Finalement, nous avons choisi Londres et nous avons lancé la préparation des business plan en parallèle de la formation de Pierre.
Pourquoi l’emplacement à Muswell Hill ?
On a écarté Montréal et Los Angeles pour des raisons familiales mais aussi de visas. Et malgré le Brexit, notre choix s’est porté une ouverture de boutique à Londres et sur Muswell Hill en particulier car nous connaissions bien la ville et le quartier. Nous étions encore dans les temps pour finaliser notre entrée sur le territoire et obtenir un pre-settled status.
Et pourquoi Muswell Hill en particulier ? Car nous y avions des attaches et que le quartier est super agréable pour vivre en famille : de belles écoles, des commerces de proximité, toute une vie de village au milieu de la verdure. Nous avons Alexandra Palace, Highgate Woods et Hampstead Heath à deux pas.
Et la gare de Saint-Pancras est à 30 minutes ce qui était important pour Florence qui travaille à Paris régulièrement.
Avez-vous rencontré des difficultés ? Lesquelles ?
Vous voulez dire, à part le Brexit, la pandémie et la guerre en Ukraine ?
Ce projet d’ouverture de boutique à Londres est un parcours du combattant depuis le début. Faire entrer un véritable four professionnel de près de 5 tonnes dans un vieux bâtiment victorien, c’est un défi en soi. Ensuite, il faut l’alimenter en électricité et recruter des boulangers pour le faire fonctionner, ce qui dans l’Angleterre d’aujourd’hui n’est pas anodin du tout.
Mais on a fait face grâce à la complémentarité de notre couple qui est une belle association. Seul, ça n’aurait pas marché pareil. Florence voit toujours le verre à moitié plein, moi, plutôt vide mais cela nous permet d’avoir un regard assez raisonné sur les situations que l’on rencontre.
Comment FTC vous a accompagné ?
Nous avons d’abord longuement échangé avec Christophe sur nos besoins et attentes. Dès le départ, nous savions que nous voulions recevoir un service d’accompagnement à l’ouverture de boutiques à Londres mais nous ne savions pas exactement comment, ni par qui. Christophe nous a aidés à cadrer notre besoin.
Ensuite, avec Antoine, nous avons travaillé sur toute la phase amont de notre projet qui correspondait à l’adaptation de notre business plan au marché londonien. Son regard sur les habitudes de consommation mais aussi sur le business en Angleterre et les premières conséquences du Brexit a été extrêmement précieux pour consolider nos hypothèses et savoir comment ouvrir une boutique à Londres.
Malgré tout, ça restait notre projet et nous avons toujours eu ce sentiment qu’Antoine se plaçait plutôt dans une position de coach en nous amenant à nous poser les bonnes questions. C’était vraiment appréciable.
Quand nous sommes arrivés en Angleterre, nous avons mené les recherches immobilières ensemble et l’aide d’Antoine a été déterminante pour trouver le meilleur local commercial pour notre activité et au bon endroit. Le marché est rude et nos contraintes fortes, car nous voulions un emplacement premium, pour un budget raisonnable, et un accès au courant triphasé. Nous avons aussi des équipements très lourds nécessitant la pose d’une dalle béton, donc aucun sous-sol possible. Mais on a trouvé et Antoine est resté à nos côtés jusqu’à la fin des négociations.
Quelle est l’importance des locaux dans votre business ? (localisation, loyers etc… )
Nous sommes un commerce de proximité donc l’emplacement est clé : nous devons être au cœur d’une high street dans un quartier familial. Mais en parallèle, nous avons besoin d’espace car nous voulions un atelier ouvert pour produire nos pains en contact direct avec nos clients.
Le mix n’est pas simple. D’autant qu’on ne pouvait pas se laisser déborder par le loyer car le pain reste un produit de consommation courante dont le prix final doit rester accessible.
Notre emplacement aujourd’hui est déterminant pour la réussite de notre business, c’est aussi un argument de recrutement pour les boulangers qui sont très difficiles à trouver. Chez nous, ils peuvent évoluer dans un environnement agréable et clair, en contact direct avec la clientèle.
Avez-vous trouvé de l’aide au sein de la communauté française ?
Nous avons eu la chance de rencontrer quelques français qui nous ont aidé à préparer notre projet immobilier professionnel. Aujourd’hui, ils sont aussi nos premiers clients (et il parait qu’ils sont content de trouver du bon pain français dans le quartier).
Par l’intermédiaire de FTC, de notre meunier et de notre équipementier, nous avons aussi rencontré plusieurs boulangers français déjà installés en Angleterre : leur aide et leurs conseils ont été précieux.
Quelle est aujourd’hui la stratégie de développement de Pierre Alix ?
Nous sommes d’abord et avant tout un family business. Pour l’instant, nous regardons les choses une étape à la fois. Nous allons nous consolider pendant une année et puis on verra. L’idée, c’est d’écouter nos clients pour grandir. Nous voulons leur apporter les services qu’ils désirent sans perdre de vue nos valeurs et notre modèle.
Basé sur votre expérience, quels conseils donneriez-vous à d’autres entrepreneurs qui souhaiteraient s’implanter à Londres ?
Les mêmes que ceux que l’on donnerait à n’importe quel entrepreneur : bien étudier son projet et bien s’entourer pour réussir son implantation professionnelle. Écouter tout en restant soi-même, aussi. Il faut faire preuve de beaucoup de résilience pour surmonter les hauts et les bas. Londres est une ville très imprévisible, tout change beaucoup, très vite, en bien ou en moins bien, donc il faut être très agile et surtout ne pas rester campé sur ses certitudes. Et par-dessus tout, Londres est une ville cosmopolite dont la multi-culturalité est un atout pour ceux qui aiment s’aventurer un peu au-delà de leur zone de confort.
Retrouver la Boulangerie Pierre Alix au 222 Muswell Hill Broadway, Muswell Hill, London N10 3SH et sur leur site internet.